Cette exposition est une étape d’Horizons d’eaux, parcours d’art contemporain sur le Canal du Midi.
En écho à l’exposition « Sous le sable, le feu ! » au Moulin des Evêques, le Musée de l’Ephèbe d’Agde explicite l’origine subaquatique de ses collections archéologiques, en les mettant en relation avec des œuvres contemporaines qui évoquent, pour la plupart, la vie sous l’eau. Intitulée « Sous l’eau, le feu ! », cette ponctuation de collections anciennes ouvre des questionnements qui ne sont plus uniquement de nature scientifique ou historique, mais dans lesquels la part de l’imaginaire, de la poésie et de l’humour prend une place évidente. Les objets que fabriquent l’humanité n’ont-ils pas, depuis toujours, des fonctions diverses, des sens nombreux ? Le décalage temporel entre toutes ces « choses », entre ces artefacts aux origines proches ou lointaines, favorise donc l’ouverture aux significations polysémiques comme aux rêveries les plus vagabondes, toutes tissées dans l’élément aquatique.
Les vidéos de Grazia Toderi et Jolley-Reynolds montrent des personnages qui s’activent comme des poissons dans l’eau, mangeant, dormant, se battant ou semblant attendre tranquillement que le temps passe, assis dans leur salon irrespirable, ou s’appliquant au contraire à ouvrir un parapluie de conte d’enfant. A proximité de la merveilleuse sculpture du « Césarion » du Musée, un portrait photographique lumineux de Natacha Lesueur rappelle ces déesses antiques dont les corps étaient des métaphores des puissances sous-marines ; sa coiffure torsadée, montée en fontaine de jouvence, répond à celle du petit garçon, dans un jeu de spirales qui est fait aussi écho à leurs regards intenses, hypnotiques. Certaines œuvres ont été réalisées avec des poissons (les poulpes en porcelaine de Delphine Gigoux-Martin) ou des coraux (le « nid » en corail et mie de pain d’Hubert Duprat, qui sera déposé pour une longue durée). D’autres proposent avec humour – en contrepoint à la statue d’Alexandre le Grand, au pied duquel ont été déposés, en hommage à sa forme creuse et à la symbolique du pouvoir qu’il incarne, cinq « étuis de trichoptères » d’Hubert Duprat – une Allégorie sculpturale de l’Etre moderne. Par exemple, le lisse étui à musique associé à un pneu en résine d’Etienne Bossut, évoque un jeune cétacé lesté d’un pneu-bouée : l’humanité est-elle entrée dans la période de son Naufrage, ou s’agit-il d’évoquer encore l’histoire du vieux Noé, qui sauva les êtres vivants de la noyade en les réunissant dans son Arche divine ? Par le moyen du dessin, Abdelkader Benchamma sculpte comme un plongeur sous-marin l’infinitude des strates aquatiques, tandis que « Les Arnies » de Johan Creten revisite le mythe de l’abondance naturelle, prolongeant la collection des amphores qui contenaient, non du miel, mais du vin ou de l’eau. Or, ces ruches en céramique sont-elles pas semblables aussi à ces têtes divines en terre cuite, figures des dieux antiques qui se métamorphosaient en êtres marins ou terrestres, pour tromper les humains ? De la même façon, les petites sculptures en clous ou aiguilles de Laurette Atrux-Tallau pourront paraître des oursins ou d’étranges limaces des mers, quand elles ne sont faîtes que de matériaux industriels.
D’autres œuvres encore font directement écho aux fonctions de certains trésors du Musée de l’Ephèbe : la salle des canons est traversée par l’éclat de rire lumineux et silencieux du Gentil Garçon, le rire étant bien « le propre de l’homme » ! A son exemple, les visiteurs du Musée de l’Ephèbe sont invités à se munir de leur meilleur rire ! Car c’est par son moyen qu’ils pourront se plonger dans l’imaginaire spatial et temporel de ce musée des Profondeurs, et de le relier à leur propre présent.
Emmanuel Latreille, Directeur du Frac Occitanie Montpellier
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