Les quatre figures paraissent autant des visages séduisant que des êtres inquiétants : la vie et la mort semblent pouvoir advenir de ces prêtresses (ou de ces sorcières) douées de pouvoirs mystérieux. Le sentiment de la « puissance », dans les œuvres d’art représentant des êtres vivants, provient bien entendu d’abord de leur regard. La fixité de ceux-ci et l’agrandissement hors de toute dimension réaliste des têtes qui les portent, contribuent bien évidemment à tirer ces jeunes femmes du côté des représentations mythologiques, des créatures irréelles, même si leurs prénoms sont des plus familiers. Mais cette familiarité, loin de les rendre moins mystérieuses, contribue bien davantage à l’étrangeté de leur origine réelle. Sont-elles sorties des profondeurs du Canal du Midi voisin ? Accompagnent-elles les voyageurs tout au long de leur périple terrestre ? Ou bien les sauvegardent-elles des dangers d’une « traversée » plus difficile, plus métaphysique ? Les présences de Natacha Lesueur visent en tout cas à sortir l’art de tout vain réalisme, et à toucher dans le spectateur le point où se nouent les représentations les plus superficielles (des images de mode ?) et les significations les plus profondes (des figures mythiques). Les opposés, les contraires, loin de s’exclure, s’allient pour tisser le sens complexe de notre époque contemporaine, faite de mille strates entremêlées dont chacun doit apprendre à défaire les nœuds.
Emmanuel Latreille, directeur du Frac Occitanie Montpellier, commissaire de l’exposition
