Marseillan
Étang de Thau

Tout va bien · Bateau de Cédric Torne

Cédric Torne et Eric Watier

Du 1er au 15 juillet 2017

Cette exposition est une étape d’Horizons d’eaux, parcours d’art contemporain sur le Canal du Midi.

Enseignants à l’école nationale supérieure d’architecture de Montpellier, Cédric Torne et Eric Watier questionnent les formes et les signes visuels qui influent sur notre relation au monde environnant. Une expression quotidienne, retournée spatialement et posée sur la coque d’un bateau, devient un mystérieux signe, porteur d’une inquiétude dans l’ordre des choses. Dans cette parfaite « anti-publicité », la question du sens fait brusquement irruption. « TOUT VA BIEN » est une œuvre d’Eric Watier, une simple locution que l’artiste adresse par internet à des destinataires divers, et que chacun d’entre eux peut ensuite renvoyer à qui il veut…

Le texte, pourtant, n’est pas écrit à l’endroit mais à l’envers, autrement dit, il est « retourné » : ce retournement ne fait-il pas penser au « retour à l’envoyeur » d’une réponse presque automatique ? « – Comment ça va ? – Tout va bien ! » Est-ce si sûr ? Le renversement du texte ne suggère-t-il pas un doute, ou un sous-entendu, intégré subrepticement à ce qui se présente comme la réponse la moins équivoque qui soit ? Or ce doute n’est rien d’autre que la capacité offerte au destinataire du TOUT VA BIEN retourné, de s’en emparer à son tour, et de l’éditer et de la diffuser librement, sans aucun droit d’auteur.
Autrement dit de formuler, avec la matérialité même des mots, une vraie réponse, de lui donner un sens en fonction d’un contexte, d’un moment, d’un ou plusieurs autres destinataires qui jugeront à leur tour de sa pertinence locale, de ses sens implicites ou explicites. Ainsi, le travail d’Eric Watier est-il dans la mise en cause, individuelle et collective, de la fixité des « formes » sur laquelle les pratiques de l’art, comme une grande partie des pratiques sociales, fondent leur fonctionnement et, plus encore, leurs prétendues « valeurs ». Au contraire, pour Watier, l’exercice de l’art n’est possible que si celui-ci intègre la « participation » de chacun au jeu des signes, à leur usage (si mince soit-il) spontané et libre, sans restriction ni confiscation d’aucune sorte. L’art est action, non « passion », transformation optimiste et création énergique dans un échange réel, responsable et non feint. A cette condition, TOUT VA BIEN ! Artiste mais aussi plaisancier, amateur de brises lentes, Cédric Torne s’empare des mots de Watier et les adapte à la coque de son Mitjet-La prairie, petit voilier des années 1970 amarré dans le port de Marseillan. A l’occasion de l’exposition « Sous le sable, le feu ! », qui se tient au Moulin des Évêques d’Agde durant tout l’été, et où il présente également une installation murale et un grand dessin, Torne interroge à sa manière l’apparence des signes conventionnels, à partir de leur reflet dans l’eau de l’étang. Le texte inversé pourrait-il se retrouver « à l’endroit » ? Ne pourrait-on pas, d’ailleurs, voir et comprendre qu’il est inversé doublement, c’est-à-dire autant horizontalement que verticalement ? Rien, quoi qu’il en soit, n’empêchera sa lecture, lors de son balayage lent de la belle « prairie » qu’est l’étang de Thau. Dès lors, ce double retournement pourrait susciter des questionnements d’un autre ordre, politique, pour tout dire. Autour du plan d’eau merveilleux où cohabitent pendant l’été les hippocampes et les touristes venus de toute l’Europe, les opinions politiques haineuses se sont banalisées, à partir du sentiment diffus que « tout va mal » Comment retourner un tel constat ? Comment le faire tourner, une fois, deux fois, autant de fois qu’il faut pour le retrouver finalement, même retourné, en TOUT VA BIEN ? Comment passer d’un retournement « physique » à un retournement « moral » ?
Bien entendu, Cédric Torne, artiste, est un être qui agit, qui s’efforce de libérer le sens et l’énergie positive des situations critiques. Dans ce cas, son appropriation du texte d’Eric Watier vise à faire en sorte que chacun, croisant son petit navire, soit à son tour concerné par une conscience qui, en dehors de la superficialité des relations estivales et des distractions, n’oublie pas que le monde n’ira pas mieux si on ne lui prête pas un peu la main… Ou, comme l’écrivait Franz Kafka : « Dans ton combat avec le monde, seconde le monde. » La proposition de ces deux artistes relève d’un même impératif catégorique !
Emmanuel Latreille, directeur du Frac Occitanie Montpellier

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Exposition du bateau dans le port de Marseillan durant tout l’été
Embarquement sur réservation du 1er au 15 juillet !
Pour réserver, téléphoner à l’artiste au 06 77 76 34 59.

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