Dans les œuvres nouvelles dévoilées dans l’exposition monographique d’Anna Solal au Frac Occitanie Montpellier intitulée « Mille Projectiles », la figure humaine fait son retour au travers de grands dessins à échelle 1 où des personnages, souvent en groupe, apparaissent ; leurs postures rappelant celles que prennent les familles ou bandes d’ami·es pour immortaliser des moments partagés. Leurs têtes sont recouvertes de grandes cocottes en papier, reprenant les principes de filtres Instagram surgissant sur les visages absorbés par les écrans. Ces formes, éléments fantastiques évoquant les mathématiques dans l’univers symboliste d’Anna Solal, illustrent la place qu’ont prise les algorithmes dans notre société. Ces nouvelles règles plus ou moins implicites régissant notre monde nous imposent un hyper contrôle de l’image de soi par rapport aux autres. Le filtre Instagram est un masque, et les tableaux d’Anna Solal inscrivent ces accessoires d’un nouveau type de carnaval dans une certaine histoire de la peinture.
Cet espace offert à la figure humaine impose la représentation du portrait, individuel ou en groupe. Héritière de grands artistes comme les photographes August Sander ou Walker Evans qui représentent les différentes classes sociales de leur temps, Anna Solal s’est très tôt attachée à la figure du banlieusard, qu’on trouvait déjà dans ses premières productions. Cette figure est reliée à une autre récurrence importante dans l’œuvre de l’artiste, celle du lien à l’autre.
La littérature, poésie ou prose, infuse également le travail d’Anna Solal. Les figures singulières voire solitaires du XXe siècle la passionnent. Elle retient par exemple de l’écrivain allemand Ernst Jünger la dimension animiste montrant la possibilité du Mal chez l’Humain dans un univers naturel magnifiquement décrit. Chez la poétesse coréenne Kim Hyesoon, elle observe la capacité à transcrire les expériences les plus marquantes de la vie par un style expérimental, décrivant la spécificité de l’existence d’une femme. Elle chérit aussi la capacité toute particulière de Jean Genet à lier tendresse et brutalité, et à convoquer des éléments archétypaux comme les fleurs pour représenter ce paradoxe. La férocité propre aux images symboliques de Jean Genet, se retrouve dans le titre de l’exposition, Mille Projectiles, qui évoque le feu d’artifice des multiples strates des matériaux qui composent les œuvres d’Anna Solal, comme les multiples techniques qu’elles convoquent. Une dernière référence importante est celle de l’écrivain Edmond Jabès, qui n’a eu de cesse de sonder sa propre judéité pour comprendre l’horreur de la Shoah, en nourrissant une réflexion sur l’écriture et une méditation inquiète sur l’avenir de l’Homme.
Anna Solal a développé son art en se concentrant sur un bricolage assumé et non sur une technicité ancestrale. Elle produit ses œuvres par collage et couture d’objets ou de logos qui créent de nouveaux signifiants. Le fait-main ici n’est pas virtuose, il est volontairement et ostensiblement fabriqué. Très présent dans la pratique de l’artiste, notamment par la représentation des laissés-pour-compte de la société, le déclassement se retrouve dans la pauvreté des matériaux glanés : objets industriels dégradés, mondialisés, typiques de notre époque, comme les écrans ou les puces électroniques, avec leur design caractéristique.
Beauté des fleurs et amoncellements de rebuts électroniques, vêtements ultra contemporains, animaux piégés, ampoules pharmaceutiques et insectes butinant, les relations entre notre humanité et ce qui l’entoure, que ce soit la nature qu’elle altère et la pollution qu’elle engendre, sont au centre de Mille Projectiles. Les allégories nombreuses et paradoxales qui peuplent cette exposition nous autorisent tout de même à imaginer qu’un miracle peut advenir de cette Apocalypse, et qu’il passera par une réconciliation avec le monde vivant et par notre capacité à nous connecter réellement à l’autre, au-delà des écrans et des injonctions à paraitre.
Marine Lang, commissaire de l’exposition
L’exposition Mille Projectiles fait suite à l’acquisition par le Frac Occitanie Montpellier de deux œuvres de l’artiste : @suite1717, 2023, et Le Cerf-volant siamois, 2019. Elle s’inscrit dans la programmation du nouveau directeur, Éric Mangion, qui souhaite faire de la galerie de la rue Rambaud à Montpellier comme un lieu pour accompagner les artistes dans leur parcours, leurs pratiques ou leurs liens avec le monde professionnel. C’est pour se donner ce temps et ces moyens que l’exposition est coproduite avec l’Académie de France à Rome – Villa Médicis (où Anna Solal fut pensionnaire entre 2022 et 2023), Mécènes du Sud Montpellier-Sète-Béziers (Anna Solal a reçu une bourse de production en 2022) et air de Midi (dans le cadre de son programme de soutien à des collaborations entre structures au sein de son réseau en Occitanie). Également, elle a été sélectionnée par la commission mécénat de la Fondation des Artistes qui lui a apporté son soutien. Plus que des partenariats, ce sont les signes d’une vraie fidélité à une artiste, à Anna Solal.
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Anna Solal a été lauréate du prix Mezzanine Sud 2020 – Prix des amis des Abattoirs, musée – Frac Occitanie Toulouse « qui accompagne et met en avant les artistes de moins de 35 ans dans le domaine de la création artistique contemporaine ».
Anna Solal présente également ses œuvres au Centre de création contemporaine Olivier-Debré à Tours à partir du 26 avril jusqu’au 22 septembre prochain au sein de l’exposition Intrication qui réunit ses travaux et ceux de Pierre Unal-Brunet (qui vit et travaille à Sète) « sur leur prédilection commune pour l’hybridation des matériaux, des formes et des genres ». (Commissariat : Marine Rochard.)
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Cette exposition est lauréate du plan Mieux produire, Mieux diffuser mis en place par le ministère de la Culture. Il vise à redéfinir l’équilibre entre production et diffusion en s’appuyant notamment sur des coopérations et mutualisations. En Occitanie, près de 30 structures bénéficient de ce dispositif (soit plus de 10% de l’enveloppe nationale), parmi lesquelles le Frac.
Avec la participation de : Éléonore Grignon et Erba Erba pour la réalisation du buffet lors de l’ouverture de l’exposition.
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Exposition ouverte du mardi au samedi de 14h00 à 18h00 – Entrée libre
L’exposition sera exceptionnellement fermée mercredi 9 octobre 2024 en raison de l’événement Plaidoiries pour l’art.
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